Audrey Cordon-Ragot, championne de France de cyclisme, tentera de rapporter une médaille à la France aux Jeux Olympiques 2016 qui se dérouleront à Rio du 5 au 21 août prochain. En attendant ce grand rendez-vous sportif, nous avons eu la chance de rencontrer la Morbihannaise de 26 ans à la veille du championnat de France de cyclisme sur route. L’occasion de découvrir un univers qui – comme celui de l’automobile – peine à se féminiser…
Audrey Cordon-Ragot – championne de France de cyclisme du contre-la-montre en 2015 et championne de France de poursuite par équipes en 2013 –  est une jeune femme volontaire qui a su s’imposer dans un sport considéré comme un sport d’homme. Ainsi au delà des challenges sportifs qu’elles se lancent au quotidien, elle est bien décidé à redonner ses lettres de noblesse à  un sport féminin peu connu du grand public.
Qualifiée pour les JO de Rio, Audrey Cordon-ragot se prépare depuis 4 ans à  cette compétition mythique. Seule Française avec Pauline Ferrand-Prévôt, à défendre les couleurs du cyclisme féminin tricolore, elle vise la médaille ! C’est tout le mal que l’on souhaite à une femme qui su se dépasser pour atteindre le plus haut niveau d’un sport peu soutenu chez les féminines.Â
Audrey Cordon-Ragot vise le podium
Félicitations, tu as récemment appris que tu étais qualifiée pour les deuxièmes JO de ta carrière. Quelles sont tes ambitions pour les jeux de Rio ?
Il y a 4 ans, j’avais été 15ème du chrono mais n’avais pas été classée sur la route. Cette année je vise une médaille. Je pense que, pour moi, la compétition sur routes est plus accessible que le chrono qui est très spécifique, d’autant plus qu’à Rio le circuit ne me convient pas particulièrement.
Le chrono se joue vraiment à la pédale. On part et on est à bloque jusqu’au bout. Il n’y a pas tactique, tout se joue au physique, or je sais que je suis moins costaud que certaines filles qui seront là -bas. A contrario, la route est plus tactique, surtout aux JO où on est beaucoup moins nombreuses. En général, on est 6 par équipe mais pour les jeux on est seulement 4 par nation. Ca fait un tout petit peloton, ce qui augmente les chances de faire une bonne place. De plus, l’enjeu est tellement énorme que c’est une course que l’on gère vraiment différemment qu’une course normale. Il y a plus de pression, mais je pense que tactiquement je ne suis pas trop mauvaise. C’est une de mes forces et j’arrive souvent à m’en sortir grâce à ça. Là , comme on est que deux pour la France, tactiquement l’idée est de mettre la pression sur les équipes de 4 qui doivent donc plus travaillées que nous.
A ce propos comment se prépare-t-on aux JO ? Quelle est la semaine type d’une championne de vélo ?Â
Ca fait 4 ans, depuis les derniers jeux, que je me prépare pour Rio. C’est sûr que ça ne se prépare pas au dernier moment.Â
Sinon ma semaine type s’articule autour de 15h à  20h d’entrainement par semaine entre vélo et préparation physique. La compétition est généralement le dimanche. Les semaines de « récup » je m’entraine entre 10h et 12h et quand je fais une coupure c’est de 5 jours maximum ! Quant au programme des entrainements, ils varient entre de la longue distance de 4h à  5h, des tests chronos, des intensités et des sessions derrière un scooter pour atteindre l’allure de course.
Pour partir aux JO de Rio tu as fait un crowdfounding pour tes billets d’avion. As-tu obtenu ce que tu voulais ?
Le CNO prend en charge toute la logistique sur place. Le billet éco est également payé mais si on veut voyager en 1er il faut rajouter 2.500 € de sa poche, la différence entre le billet éco et le billet business. Je mets toutes les chances de mon côté, je m’entraine dur pour être au top là -bas donc pour un vol de 12 h alors qu’on arrive le lundi pour courir le dimanche, je ne me pose pas la question ! Du coup, je me suis débrouillée et ai fait un crowdfounding sur internet avec succès !
Le cyclisme féminin français est très discret dans les médias. Où sont les femmes ? Ont-elles une vraie présence internationale ?
Dans le tour, il n’y a qu’une équipe féminine en France, Vienne Futuroscope, dans laquelle je suis restée 6 ans. Le problème c’est que leur budget tourne seulement autour de 400.00 € du coup les filles ne sont pas rémunérées et la plupart travaille ou sont à l’école. Le fait de ne pas pouvoir se consacrer à plein temps à sa carrière pro ne permet pas de rivaliser avec le niveau international. C’est ce qui fait que le cyclisme féminin français reste à un niveau qui n’est pas celui dont on est capable.Â
Pourtant l‘intérêt est là  ! La fédération a d’ailleurs mis en place un système pour développer le cyclisme féminin par les jeunes et augmenter le nombre de licenciés. Mais c’est très long à mettre en place et évidemment ce n’est pas un sport qui attire particulièrement : ce n’est pas un sport jugé très féminin à la base, même si je ne suis pas d’accord.
A l’instar du milieu de l’automobile, le monde du cyclisme est connu pour être macho. Moralement est-ce difficile d’être une femme dans ce sport. Peut-on y faire sa place facilement ?
Ce qui est compliqué dans le cyclisme féminin c’est d’accepter le fait qu’à niveau égal une femme ne gagne pas sa vie comme un homme. Je fais autant de déplacements et de compétitions qu’un gars, je m’entraine autant, pourtant je ne pourrais pas en vivre. Et puis, je déteste l’injustice. Je laisse mon mari à la maison, c’est un sacrifice pour la famille, l’été on peut pas faire de barbecues avec les copains, il y a que l’hiver où on a 3 mois pour se lâcher un peu ; et encore on ne peut pas se permettre de prendre 10 kg. Ce sont des sacrifices et une hygiène de vie à l’année et en fait j’aimerais bien avoir des retours par rapport à ça… même si ça évolue un peu, je ne vais pas me plaindre non plus.
Je continue sur les conditions difficiles d’une femme dans le milieu du cyclisme : se constituer un staff semble le minimum pour une sportive professionnelle, pourtant ce n’est pas si simple car certains frais te reviennent alors même que le vélo ne te permet pas de vivre…
Mon entraineur est payé par la fédération mais mon préparateur physique c’est à moi de le payer. Les déplacements et les hôtels sont pris en charge mais la nourriture lors des déplacements n’est pas remboursée. Sur l’année ça fait un montant. Mais je ne calcule pas car je pars du principe que je ne fais pas du vélo pour l’argent sinon j’aurais arrêté depuis longtemps. Je fais ça parce que ça me donne l’opportunité de faire les Jeux Olympiques, c’est quand même énorme. Et mon mari est à fond dedans et me soutiens.
Il y a deux ans tu as changé d’équipe. Qu’est-ce que ça t’a apporté ce changement de team pour l’équipe anglaise Wiggle Honda ?
Je pense que ça m’a permis de passer un cap physique par rapport à des Françaises qui courent encore en France. Le fait de partir à l’étranger ça a tout changé physiquement, sportivement mais aussi dans l’approche des courses, dans la manière de faire mon métier et d’appréhender les objectifs. Je « vis vélo » différemment depuis que je suis chez Wiggle Honda.
Il y a peu de Françaises qui osent franchir le cap mais pour ma part je voulais absolument quitter la France et avoir une expérience à l’étranger. J’avais besoin de me challenger sur autre chose, sans compter qu’en vue des JO de cette année je voulais vraiment passer un cap et je savais que j’étais au bout de ce que pouvait m’apporter mon équipe en France.
Depuis que j’ai changé d’équipe et que je suis rentrée chez Wiggle Honda l’année dernière, j’ai commencé à avoir un petit salaire qui me permet de faire des stages et de m’acheter du matériel. Je ne profite jamais de cet argent pour partir en vacances ou m’acheter une voiture. Je suis rentrée chez les pro en 2008 et jusqu’à 2014 je n’avais jamais rien gagné en course.
Quelle est ta compétition fétiche, les JO mis à part ?
Moi j’aime particulièrement les courses en Bretagne (d’où est originaire Audrey). On a la chance d’avoir plusieurs courses UCI (internationale) et à chaque fois que je cours là -bas c’est spécial. En plus les gens là -bas aiment vraiment le vélo, ils te connaissent, tu entends ton nom sur le parcours, c’est vraiment super !
Quand on voit la difficulté de percer dans ce sport en tant que femme, qu’est-ce qui continue à te motiver ? Qu’est-ce que t’apporte le vélo dans ta vie ?
J’ai toujours fait du vélo. Mon père et mon oncle en faisaient. D’ailleurs on commence souvent le vélo parce que familialement on est né dedans. Après, le sport en général ça t’apprends la vie, t’inculque des valeurs, ça t’aide à te sortir de situation difficile. Je n’ai pas eu une enfance extrêmement heureuse et extrêmement facile et sans le vélo je ne serais pas là où je suis aujourd’hui.
Le vélo me permet aussi de rencontrer beaucoup de gens, ça m’a permis d’apprendre l’anglais et ça inculque vraiment la vie au plus jeune âge. Et quoi qu’on dise sur le vélo, oui il y a du dopage, mais c’est un sport qui t’apprend à te faire mal, à te dépasser. Après si tu gardes cette mentalité tu te bats sur tout et tu ne lâches rien. Il y a beaucoup de jeunes qui ne font rien et qui abandonnent à la première difficulté. On les mettrait au sport ce serait différent. La politique n’investit pas assez sur le sport et ça pourrait vraiment aider beaucoup de gens, notamment à ne pas se radicaliser.
J’essaye de défendre mon sport et de le faire évoluer le mieux possible, d’en parler mais le manque de médiatisation fait que l’on n’est pas suffisamment mis en avant pour avoir un réel impact. A mon petit niveau j’essaye d’encourager les filles au maximum. Par exemple, dans mon club je leur donne du matos, des maillots, mais c’est compliqué. La seule façon de vraiment développer ce sport est d’en parler. Le problème en France, c’est que l’on parle que des sportives qui sont jolies alors qu’à l’étranger on s’intéresse plus aux résultats.
Portrait auto de la cycliste Audrey Cordon-Ragot
Si j’étais une voiture marquante, je serais une Renault 21 Manager qui est la voiture de mon enfance. Quand mes parents l’ont acheté je devais avoir 4 ou 5 ans et elle est devenue ma première voiture une fois que j’ai eu mon permis de conduire.
Si j’étais une voiture rêvée, je serais le Range Rover Evoque. Mais elle coûte très chère et en plus je ne pourrais pas l’acheter maintenant car il n’y a pas de coffre pour les vélos. C’est limite une citadine dans l’utilisation.
Si j’étais ma voiture actuelle, je serais une Honda Civic Tourer (qui est celle qu’Honda a mis sa disposition). Avec Vincent, mon mari, on en est très content. Il la conduit presque autant que moi. J’ai eu l’occasion de faire un long trajet avec, j’étais toute seule et j’avais envie d’être assez confortable. J’avais un peu peur de ça mais en fait c’était super confortable. Je pense que c’est plus une voiture pour faire de la longue distance, d’où le fait que j’ai les barres de toit et le coffre de toit. Je peux partir à l’aventure.
L’idée c’était d’avoir la Tourer car dans une course de vélo il y a toujours des voitures suiveuses, les voitures d’équipe, et ce sont souvent des breaks. Avoir la Tourer ça permet d’avoir la voiture suiveuse type du tour et du coup de faire la publicité d’une voiture qui va ressembler à celles qu’on voit en compétition. En plus au quotidien, c’est super pratique : je peux rentrer le vélo sans enlever les roues.
Si j’étais une couleur de carrosserie, je serais blanc cassé. On a une Audi blanc cassé, c’est super salissant mais j’adore.
Si j’étais un souvenir en voiture, je serais ma première voiture cassée à cause d’un chien. J’ai pris un chien dans le pare-choc et le radiateur est mort !
La conduite d’Audrey Cordon-Ragot
Si j’étais un style de conduite, je serais sportive.
Si j’étais un défaut de conduite, je serais une vitesse trop élevée. Je conduis trop vite.
Si j’étais un pilote, je serais Alain Prost parce que je sais qu’il aime le vélo et qu’il en fait beaucoup. Mais le pilote mythique c’est quand même Ayrton Senna.
Si j’étais un copilote, je serais en confiance. Moi je suis du style à m’endormir contrairement à mon mari.
En route avec Audrey Cordon-Ragot
Si j’étais une application de Smartphone pour ma voiture, je serais le GPS sur le téléphone. Je vais pas dire Coyote, ça se fait pas…
Si j’étais une chanson pour la route, je serais « sur ma route » de Black M.
Si j’étais une occupation pour les enfants ou les passagers, je serais la tablette.
Si j’étais une tenue pour voyager, je serais un jogging. C’est un peu ma tenue pour tout. J’ai pas tellement l’occasion de m’habiller !
Si j’étais une habitude inavouable en voiture, je serais je chanterais très faux. Avec mon mari, on est les « king » de MFM. La voiture est un vrai karaoké. Il est imbattable sur les vieilles chansons. Par moment je me dis qu’on a vraiment 6 ans d’écart.
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J’aime les voitures silencieuses.
Je déteste les voitures qui n’ont pas de reprise. Je veux pouvoir doubler en 5ème et repartir à un stop en 3ème !
En conclusion, on souhaite bonne chance à Audrey Cordon-ragot pour les JO de Rio 2016
@Crédit photo: Bernard Asset
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Bravo pour cette interview et ravi d’y être associé !
Souhaitons bonne chance à Audrey pour Rio.
Merci Bernard et bravo pour ces superbes photos 😉